Entourés par des oliviers
Bonjour à tous,Voici une expérience qui mérite un post à elle toute seule.
Le 15 septembre 2023, nous arrivons chez Élisa, Claudio et Nini, le chat. Oui oui, Nini est un mâle et Jasper n'aura pas passé assez de temps là-bas pour que cette information s'imprime dans sa tête. Il s'agit d'un projet trouvé sur WorkAway. Le contrat est de travailler cinq heures par jour, cinq jours pour semaine contre le logis et le couvert.
Comme expliqué dans le post « Deux touristes », nous avons dans l'idée de participer à des projets à travers l'Europe pour préciser notre propre projet de vie. En rencontrant des gens, des manières de vivre et des habitudes, nous aimerions forger notre prochaine étape de vie. L'idée serait de vivre de moins d'argent et de manière plus respectueuse de notre environnement. C'est dans cet état d'esprit que nous arrivons chez Élisa et Claudio (qui travaille sur une plate-forme en mer, nous l'avons donc rencontré que deux semaines plus tard). Ils ont tout quitté pour voyager en camping-car et visiter l'Europe (tiens tiens...). Après deux ou trois ans de voyage, ils ont acheté un terrain dans les Abruzzes où ils ont posé leur camping-car dans lequel ils vivent toujours. Leur terrain fait deux ou trois hectares et comptent trois cent oliviers et plusieurs arbres fruitiers, dont des figues !!!!!! Pauline adore les figues et nous sommes arrivés juste à la bonne saison, youpie !
Élisa entretient aussi un magnifique potager où il y a beaucoup de tomates, des courgettes, des fraises, du tabac, des piments et des poivrons. Notre principale implication dans le potager a été la lutte contre les limaces et les punaises de tomate. Une fois par jour, nous devions observer attentivement la centaine de plants de tomates du potager pour collecter autant de punaises que possible. Mais elles sont malignes... Elles sont vertes comme les feuilles et elles sont expertes en cache cache. Cela prend une heure pour en attraper à peine quinze. La chasse aux limaces se passe le soir. Après manger, après avoir fait la vaisselle, serait-il le moment de se détendre et de jouer à un jeu ? Non, pas du tout. C'est le moment d'enfiler ses bottines, de sortir sa lampe torche frontale et de partir à la chasse aux limaces. Certains soirs, cela prenait vingt minutes si nous ne trouvions qu'une centaine de limaces. D'autres soirs, cela pouvait durer une heure et demi, notre record étant 1000 limaces en une soirée. Autant vous dire que le bas du dos en prend un coup à force d'être penché sur toutes ces plantes. Mais c'est grâce à la persévérance d’Élisa qui fait ça toute l'année (sauf en hiver) que son potager tient le coup.
Dans les nombreux conseils qu’Élisa nous fournit, elle nous conseille de bien choisir nos voisins. Sa voisine se plaint beaucoup des ronces qui s'accrochent à la clôture qu'ils ont en commun. Cela ne dérange pas nos amis qui ont des mûres gratuites grâces aux plantes mais la voisine ne veut rien entendre, les ronces doivent être éradiquées dès la semaine prochaine. Nous passons donc trois jours à se battre contre la jungle piquante qui s'étend sur une vingtaine de mètres le long de la clôture. Le travail est douloureux pour le dos et les avant-bras mais le résultat est très satisfaisant. Au final, Élisa aura même reçu un compliment de sa voisine, ce qu'elle ne croyait pas possible.
Dans nos autres tâches pour donner un coup de main à Élisa, il y avait le projet de continuer la clôture. Élisa et Claudio n'ont pas d'autres animaux que Nini. La clôture n'est donc pas pour garder des animaux à l'intérieur de leur terrain, mais bien à l'extérieur. Vu qu'ils possèdent des fruitiers et des oliviers, les sangliers se font un plaisir de venir retourner la terre toutes les nuits. C'est comme un grand buffet à volonté ! Ils font un très bon travail de nettoyage, ce n'est pas ça le problème. Le problème c'est de ne pas pouvoir aller à la toilette sèche dans le noir sans devoir pousser de grands cris pour les éloigner. C'est aussi un problème de se rendre à la chasse aux limaces. Il faut traverser une partie du terrain dans le noir sachant qu'ils sont tout autour. Pauline est devenue très inventive dans les cris à pousser pour les éloigner. Pas par peur, non non, par créativité et courage évidemment... Pour ces raisons, Élisa et Claudio ont déjà passé plusieurs mois à clôturer le terrain. C'était à notre tour de donner un coup de main. D'abord, il faut déblayer la zone. Il faut retirer toutes les mauvaises herbes, couper les branches, arracher les ronces. Ensuite, il faut préparer les poteaux. L'idée est de rendre le bois résistant aux intempéries et préserver surtout la partie ensevelie. Pour cela, Il faut brûler le bois et l’huiler. La prochaine étape a été la plus longue. Il fallait creuser tous les trous... Autant vous dire qu'à la fin d'un été aride, la terre n'était pas molle. En plus, le sol est rempli de pierres. C'est bien les pierres pour fixer les poteaux, mais c'est un calvaire pour creuser. Cette tâche nous aura occupé plus d'une semaine. Quand Claudio est revenu, nous avons pu installer le grillage et terminer notre travail.
En parlant de toilettes sèches, ils ont une chouette manière de recycler leurs...heu...excréments. Une fois qu'il y avait assez de ... matière, ils creusaient un trou pour enfouir tout ça. Après quelques mois, ils plantaient un nouvel arbre fruitier dans ce même trou. Nous avons eu la chance de pouvoir planter un arbre que nous avons baptisé « Gary » (Original non ?! Allez, on est sûr que personne ne s'y attendait !).
Finalement, la fin de notre séjour arrive petit à petit, mais pas avant d'avoir rencontré Claudio ! Son arrivée marque la fin du projet de la clôture mais aussi le début de la collecte des olives. Et ça, ce n'est pas quelque chose qu'on voulait rater ! Nous avons passé deux jours complets à collecter les olives avec eux. C'était génial de voir comment ils travaillent, quelles sont les techniques de collecte, quel est le processus de l'huile d'olive, quelle quantité d'olives pour un litre d'huile. Jasper a surtout appris à se servir des grands bras télescopiques pour faire tomber les olives tant dis que Pauline a surtout appris la gestion des filets au sol. Vous allez voir, c'est très simple. Les grands bras télescopiques sont alimentés par un compresseur qui nous suit partout sur le terrain. Au bout d'une longue barre de fer, il y a plusieurs piques, comme les doigts d'une main. Lorsque le bras est activé, ces doigts font des mouvements verticaux comme si les longs doigts d'une main se refermaient tendus et s'ouvraient rapidement. Cela donne un peu l'impression que cette barre de fer est en train de chatouiller l'arbre. Le mouvement fait tomber les olives au sol sur des grands filets en plastique qui sont préalablement étalés.
Ces filets sont superposés les uns sur les autres pour s'assurer qu'aucune olive ne s 'échappe. Ensuite, lorsque les personnes collectant les olives passent à un autre arbre, il y a deux options. Soit, nous tirons le filet plus loin au niveau des prochains arbres. Vu que les filets sont superposés, les olives collectées tombent dans le filet voisin. Soit, le filet est bien rempli et il est temps de ramasser toutes les olives. Pour cela, nous plions les grands filets comme un livre, dans les deux sens pour avoir toutes les olives regroupées au milieu dans toute la longueur du filet. Ensuite, il faut soulever les extrémités du filet pour regrouper les olives au milieu en faisant bien attention de ne pas les laisser s'échapper dans les plis. Toutes ces olives sont stockées dans la voiture de Claudio qui est transformée en remorque pour l'occasion.
Tous les soirs, Claudio se rend à l'usine pour amener la collecte du jour et revenir avec de la bonne huile d'olive toute fraîche du jour. Et l'huile d'olive fraîche, ça n'a pas le même goût ! Nous avons eu la chance d'avoir une dégustation et cette huile est beaucoup plus verte, comme un jus d'épinard. Elle est aussi opaque et son goût est plus relevé. Comme de la moutarde, elle pique un peu au nez. C'est délicieux !
Ces quelques semaines sont aussi marquées par la cuisine d’Élisa. Tous les midis, c'est pasta ! Parfois fraîche, mais le plus souvent en sachet avec les bons légumes du potager. Nous avons aussi cuisiné quelques fois. Non, autant ne pas mentir, vous connaissez tous Pauline. Jasper a cuisiné quelques fois. Mais cela reste intimidant de cuisiner pour une italienne qui ne connaît que la bonne cuisine. Néanmoins, Jasper s'en est sorti comme un chef ! Il a cuisiné « le meilleur risotto qu’Élisa n'est jamais mangé », un excellent tiramisu qui a reçu les salutations du jury et plusieurs fois de bonnes pâtes dont la cuisson était apparemment parfaite.
Après cette belle expérience, voici ce que nous retenons de ce projet. Premièrement, nous avons été impressionnés par l'organisation d’Élisa. Elle ne fait les courses que tous les 10 jours. Vous imaginez ? Elle utilise tout ce qu'elle peut dans son jardin, son verger et son potager. Tout est utilisé, conservé, surgelé, transformé ou cuisiné. Elle fait des confitures, des jus de fruits, des fruits séchés, plein des conserves de jus de tomates, des paquets de légumes surgelés, des pestos. Tout ça est méticuleusement étiqueté et conservé pour les prochaines saisons. Grâce à cette organisation, ils ne vivent qu'avec 2000 euros par an, pour la nourriture sachant qu'ils cuisinent très souvent pour des volontaires. Ils travaillent chacun pour pouvoir encore voyager, aller voir des amis et surtout construire leur maison. Mais normalement, sans maladie sur les oliviers ou parasites, la vente de leur huile d'olives leur permet de couvrir ces frais. Ils essayent aussi un maximum de faire des échanges avec leurs voisins qui vendent d'autres produits comme du miel ou de la farine. Faire marcher les producteurs locaux et s'investir dans le troc, voilà aussi un avenir qui nous parle.
Deuxièmement, leur terrain est rangé. C'est organisé et chaque chose a une place. Nous ne savions pas qu'il était possible d'avoir un projet pareil avec un terrain qui semble rangé. En tout cas, dans l'expérience de Jasper, il passait beaucoup de temps à chercher des outils, des gants. Ou alors il y avait un gros tas de quelques choses sous une bâche au milieu du chemin. Cela parait assez dérisoire, mais vous devriez voir Gary. Ce n'est jamais le bordel ! Nous aimons le rangement, cela nous donne une paix d'esprit quand nous sachons où sont les choses. Et puis, ça fait gagner du temps.
Troisièmement, l'accueil de volontaires a l'air génial. Élisa parle beaucoup des précédents volontaires. Il semblerait qu'ils rencontrent des nouvelles personnes de tous les continents. Chacun arrive avec ses connaissances et sa bonne volonté. Évidemment, c'est une loterie. Mais ils ne parlent presque jamais d'une mauvaise expérience. Il n'y a que le meilleur qui reste. C'est une manière de découvrir plein d'autres cultures sans voyager. Et c'est une manière de voyager sans bouger. Toutes ces personnes viennent cuisiner de nouveaux plats avec Élisa, jouer à des nouveaux jeux de société, proposer de nouvelles solutions au potager, apporter de nouvelles idées pour leur projet. Cela semble tellement riche.
Quatrièmement, comme n'importe quel endroit similaire, ils ont une liste de projets à réaliser. Ils veulent finir la clôture, se construire une maison, avoir des poules, construire une maison à chauve-souris, créer un second potager, finir l'abri pour leur camping-car... Mais ils mettent un point d'honneur à prioriser leurs projets et à ne pas en commencer un nouveau tant que le précédent n'est pas terminé. Elisa nous a aussi expliqué la nécessite de lever le pied, de ralentir, de ne pas oublier de vivre. Dans la frénésie des choses à accomplir, elle explique qu'il est facile de se perdre et d'oublier de prendre soin du moment présent. On est tellement plongé dans les projets, tourné vers le futur qu'on en oublie de respirer et d'apprécier ce qui est déjà.
Sur ces bonnes paroles, voici la fin de notre expérience chez Élisa, Claudio et Nini. Le prochain projet WorkAway n'est pas encore décidé, mais ce sera certainement en Grèce !
Ce post est rédigé par Pauline le 17/10/23 dans Gary pendant que Jasper planifie nos aventures des prochains jours. Il pleut dehors et c'est cozy à l’intérieur. Nous buvons du thé et nous mangeons du chocolat. C'est dur la vie...
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