Un air de printemps en hiver

February 18, 2024

Bonjour à tous,

Le 17 janvier 2024, nous arrivons chez Beatrice et Lino, dans l'appartement qu'ils louent à Castelluzzo. Nous y faisons la connaissance de Valentina et Joey. Lino est allemand, Joey est écossais et Bea et Vale sont italiennes. Tout ce petit monde jongle entre l'allemand, l'italien et majoritairement l'anglais. Bea, Vale et Lino se sont rencontrés à Berlin. Vale et Joey se sont rencontrés en Australie. L'ambiance est très multiculturelle et avec les voyages personnels de chacun, nous en apprenons beaucoup sur les us et coutumes de différentes cultures. Joey a appris plusieurs chants indigènes qu'il performe tout au long de la journée, par plaisir de chanter pour la nature. En Australie, Vale et Joey se sont formés au massage, et plus précisément au zen thai shiatsu. Plutôt agréable comme compagnie pendant trois semaines !

Le lendemain de notre arrivée, nous conduisons tous ensemble jusqu'au terrain de Bea et Lino où nous restons garés pendant trois semaines. Leur terrain est au pied d'une petite montagne dont l'autre versant est occupé par des carrières de marbre. Depuis leur terre, nous avons une belle vue sur Monte Cofano, la mer et le parc national de Zingaro. Il s'en dégage une impression d'espace, d'air et de sérénité. Nous nous mettons au travail le jour même ! Nous commençons par désherber les petits chemins, ranger la cuisine extérieure et rendre l'endroit habitable. Personne n'y a vécu depuis le début de l'hiver. Enfin, quand on dit hiver... En Sicile, l'hiver ressemble au printemps belge. C'est le moment de l'année où tout redevient vert, les fleurs sortent et les amandiers sont en fleur.

Lors de notre séjour chez eux, notre première mission est de finir de construire un mur en pierre qui fait le tour de leur terrain. Lino commence par expliquer à tout le monde comment imbriquer correctement les pierres afin de construire un mur solide sans utilisation de ciment. Pour cela, il est important de placer régulièrement des grosses pierres lourdes afin d’exercer une pression sur les couches inférieures. Il faut aussi être vigilant de ne jamais placer une pierre avec un versant descendant vers l'extérieur du mur. Nous voulons créer une sorte de petit canyon vers l'intérieur du mur pour que les pierres soient pressées les unes contre les autres et qu'elles ne risquent pas de glisser vers l'extérieur du mur. La construction du mur nous prendra cinq jours et un ongle de Jasper, pour huit mètres. Autant dire que nous n'avons pas du tout fait le tour du terrain, mais Bea et Lino semblent satisfaits du travail accompli et proposent de passer à un autre projet.

Pendant que les connaissances de Jasper sont requises sur l'ordinateur afin de cartographier leur terrain, Pauline est occupée à planter un champ de patates en suivant la méthode de Ruth Stout. Et enfin, après ces derniers projets, vient le temps de la food forest. Mais qu'est-ce qu'une food forest (ou « jardin-forêt » ou « jardin alimentaire ») ? Il s'agit d'une forêt constituée d'arbres et plantes implantées en harmonie et qui donnent des centaines de fruits et noix comestibles. L’organisation des arbres a été soigneusement organisée en préalable par Bea, Lino et un expert. Grâce à la carte élaborée par Jasper, Bea parvient à placer des repères dans le champ pour positionner correctement les arbres en suivant les indications de leur expert. Une rangée d'arbres plus haut est installée à l'ouest de la food forest pour couper le vent. Les arbres plus petits sont placés au nord pour une meilleure exposition au soleil et s'assurer que les plus grands arbres ne leur fassent pas d'ombre. Certains arbres non fruitiers sont eux aussi plantés. Il s'agit d'arbres apportant de l'azote dans les sols, permettant aux autres arbres d'en bénéficier. Enfin, tous les repères sont placés et il est temps de passer à l'action. Pour planter leurs arbres, Bea et Lino choisissent d'utiliser du fumier d'ânes et du sable volcanique de l'Etna. Après avoir rebouché le trou, sans pour autant tasser la terre, nous recouvrons le sol de cartons pour éviter que les mauvaises herbes viennent envahir notre nouvel arbre. Nous terminons par une bonne couche de copeaux de bois et un joli cercle en pierre pour ne pas confondre notre nouveau locataire avec une mauvaise herbe. Ce projet ne nous prend que trois jours pour planter une vingtaine d'arbres mais quelle joie ! C'est excitant d'aider Bea et Lino dans cette étape. Nous savons que notre travail sera apprécié pendant plusieurs années. Enfin, surtout dans plusieurs années... Et ça nous parait tellement important comme étape de planter des arbres sur une terre. C'est un impact rapide, positif et durable. On en retire beaucoup de bonheur et de satisfaction.

Entre toutes ces tâches, plus ou moins physiques mais toutes agréables, Bea et Lino ont plein de chouettes manières pour se détendre. Nous sommes allés voir un coucher de soleil ensemble au pied de Monte Cofano. Vale a offert un massage de trente minutes à Pauline en plein soleil. Joey a proposé une séance de cupping (massage par ventouse) à Jasper. On se fait chouchouter ! Et enfin, un autre jour où il faisait particulièrement froid, nous prenons nos maillots et nous roulons trente minutes jusqu'au hot springs. Il s'agit d'une source d'eau chaude gratuite, naturelle et en plein air non accessible en voiture. Il faut marcher cinq minutes depuis le parking. Nous sommes arrivés vers 18h30 donc il faisait déjà noir. L'endroit n'est pas éclairé et les gens en profitent pour se détendre calmement. Quand Bea nous dit « nous y sommes » nous regardons autour de nous. Nous ne voyons rien et nous n'entendons rien. Quand nos yeux s'adaptent enfin à l'obscurité, nous voyons, dans un petit étang fumant, une vingtaine d'Italiens flottant comme des petits sachets de thés. A notre tour, nous venons nous glisser dans le bon bain chaud. Nos corps se relaxent instantanément, surtout après de longues journées à porter des pierres ou creuser des trous. Nous poussons de grands soupirs et apprécions notre premier bain chaud depuis les hot springs de Grèce. Après quelques minutes, Joey nous propose de le suivre jusqu'à une grotte secrète où l'eau est encore plus chaude. Nous marchons avec lui cinq ou dix minutes, remontons la rivière (froide) jusqu'à une petite grotte que nous n'aurions jamais trouvée sans lui. L'eau doit y avoisiner les cinquante degrés sans être plus profonde que trente centimètres. C'est un régal. Nous alternons entre l'eau chaude et l'eau froide de la rivière. Pour sublimer ce moment déjà plutôt parfait, Joey s'installe avec nous dans la petite grotte et chante un chant indigène dédié à l'eau. Sa voix remplie la petite cavité et se fond parfaitement dans le moment. Sous un ciel étoilé, voici un instant inoubliable.

Autres les activités pour relaxer nos corps endoloris, nous avons eu plusieurs activités pour nous changer les idées. Bea et Lino ont organisé une pizza party à leur appartement où ils ont un four en pierre pour l'anniversaire de Jasper. Bea s'occupe pendant plusieurs jours de sa pâte à pizza au levain. Elle la garde au chaud, la regarde lever et va jusqu'à rater une journée de travail pour s'assurer que tout se passe comme prévu. Et en effet, sa pâte était délicieuse ! Pour l'anniversaire de Joey, nous sommes allés à San Vito Lo Capo pour faire de l'escalade sur falaise. C'était une magnifique expérience. Nous étions encadrés par deux guides, sur une belle falaise en bord de mer. Nous avons fait quatre montées en augmentant la difficulté graduellement. Au final, nous sommes vachement fiers de nos performances !

Et finalement, nous avons participé à une frites party chez un voisin, Alberto. Alors, ce monsieur mérite quelques lignes. Alberto a acheté un énorme terrain sur la montagne de l'autre côté de la vallée. Il y élève une dizaine d'ânes, un cheval, trois gros cochons, des oies, des chèvres, des vaches, et sûrement plein d'autres animaux que nous n'avons pas vus. Alberto a commencé à construire une quinzaine d'appartements et un espace camping avec une vingtaine de caravanes prêtes à l'emploi. Il a un énorme restaurant pour 200 personnes, un camion converti en mur d'enceintes pour animer un festival et un bus transformé en bar. Alberto a beaucoup, beaucoup d'idées et d'envies. Il commence chaque projet, mais en termine peu. Il est ingénieur et l'intégralité des commodités qu'il a apportée lui-même à son terrain est impressionnante. Il a besoin d'aide pour finir ce qu'il a commencé et nous lui souhaitons de trouver les personnes pour habiter ces appartements, ouvrir son camping et gérer tous ces projets. En attendant, son grand restaurant nous a permis de cuisiner de bonnes frites belges et d'avoir une soirée karaoké dont les ânes et les vaches se rappelleront.

Le moment de partir se rapproche mais en chemin pour aller remplir le réservoir d'eau potable, Gary fait un bruit. Mais ce bruit on le connaît, c'est exactement le même que celui que nous avons entendu en Grèce. Ah non, ça ne va pas recommencer ! On a déjà eu deux problèmes en janvier ! Oui, mais là on est en février. Alors, à vos portefeuilles parce que c'est le moment de repasser au garage. Nous allons chez le petit garagiste de Bea et Lino qui comprend rapidement que le problème est identique à celui que nous avons eu en Grèce, et en France. C'est un roulement qui a rouillé. Il nous explique que c'est normal avec le temps et la pluie que cette pièce rouille. Nous l'avons changé il y a deux mois et avons eu trois jours de pluie maximum entre temps mais bon, nous ne sommes pas spécialistes. Le garagiste trouve une autre pièce à changer au niveau du train arrière mais le total ne sera pas trop élevé. Ces problèmes retardent notre départ d'une semaine. Ça tombe bien vu que notre installation de gaz doit aussi être changée car nous sentons une fuite. Heureusement que tout ça arrive lorsque nous sommes chez Bea et Lino. Ils nous offrent les commodités dont nous avons besoin le temps des réparations. Finalement, il semblerait que nous passions à deux problèmes mécaniques par mois. Il est temps pour Gary de prendre sa retraite !

Avant de reprendre notre route, nous aimons écrire ce que nous retenons de ce séjour dans un nouveau projet. Bea nous a beaucoup appris sur la cueillette sauvage. Elle nous a montré avec quelles plantes nous pouvions sublimer une salade, cuisiner des pâtes, préparer une soupe et faire un pesto. Nous avons enfin appris la différence entre le finocchietto (délicieux fenouil sauvage) et la ferula (plante toxique qui ressemble méchamment au fenouil). Le truc est simple, le finocchietto sent comme le fenouil et la ferula est plus grande et ne sent rien du tout. Ici, on cuisine avec ce qui est présent naturellement sur le terrain, surtout en hiver où le potager est moins garni.

Nous retenons l'importance de suivre le rythme individuel de chaque participant. Bea et Lino sont toujours très sensibles à l'état d'esprit et à l'état physique de chacun. Ils encouragent les pauses et les temps calmes. L'importance est moins dans la productivité mais plus dans le ressenti et le plaisir du moment présent. Enfin, nous retenons leur créativité dans la récupération des déchets. Ils connaissent plusieurs entreprises aux alentours et travaillent en collaboration avec eux pour recycler leurs déchets. Ainsi, les copeaux de bois produits par une scierie sont utilisés dans la toilette sèche, les sacs en toile de jute d'une entreprise de patates sont utilisés pour créer des petits chemins dans le potager, les restes d'un moulin à huile d'olive sont épandus sur les nouveaux arbres et le champ de patates pour la matière organique et l'isolation. Toutes ces collaborations sont gratuites pour Bea et Lino qui doivent juste penser à passer dire bonjour de temps en temps et collecter ce qui est disponible. Voilà un chouette esprit de collaboration locale, durable et écologique !

Le 8 février 2024, nous disons au revoir à tous nos nouveaux amis, y compris deux volontaires français qui sont arrivés quelques jours avant notre départ, Joaquim et Lana. La relève est prête ! Nous partons en direction de Palerme où notre dernier ferry du voyage nous attend pour nous emmener jusqu’à Naples. Quel soulagement qu'il s'agisse du dernier ferry. Ce ne sont pas les meilleures nuits de notre voyage. Nous arrivons à Naples le 11 février au matin. Notre séjour en Sicile est terminé. Ce que nous en retenons de la Sicile c'est la météo très plaisante en hiver, les gens joyeux et accueillants et la nourriture délicieuse. On mange bien et beaucoup en Sicile ! Tant mieux, on y retournera.

Nous arrivons chez nos amis Elisa et Claudio, dans les Abruzzes, le lendemain de notre ferry. Souvenez-vous, il s'agit des stars du post « Entourés par des oliviers ». Nous avions tellement bien accroché avec eux que nous sommes restés en contact. De hôtes, ils sont passés à amis très rapidement. Nous restons une semaine chez eux pour les aider au jardin. Le programme est de préparer le potager pour le début du printemps. Nous y travaillons la terre avec la grelinette afin d'assouplir leur terrain qui est argileux, ce qui le rend dur et compacte. Ensuite, nous appliquons une généreuse couche de composte et enfin, nous recouvrons de paille. Et voilà, de belles lasagnes prêtes à être cultivées. Nous avons aussi appris à élaguer les oliviers de leur oliveraie. La semaine passe très vite. Nous parlons beaucoup de nourriture avec Elisa. On planifie nos repas et tout ce que nous voulons goûter. Mais catastrophe, Elisa se rend compte que nous repartons déjà dimanche matin et qu'il nous manque donc un repas pour cuisiner un des plats évoqués. Elle est très frustrée ! On décide alors de partir dimanche après le repas du midi pour faire ce fameux carbonara a la verdura. Elisa saute de joie et se dit soulagée. Nous nous rendons compte que nous avons donc trouvé des très bons copains.

Le dimanche 18 février, après manger, nous prenons la route pour le nord de l'Italie où beaucoup de belles choses nous attendent. Dans une semaine, nous revoyons les parents de Pauline, Cécile et ses enfants, Nora, Inigo, Selva, Franci, Tina, et toutes ces personnes si chères à nos cœurs. Qu'est-ce qu'elles nous ont manqué ! Il faudra encore être un peu patients pour retrouver le reste de nos familles et amis en Belgique. Mais il s'agit d'une réalité à laquelle il faudra s'habituer lorsque nous nous installerons en Italie. En parlant de ça, nous sommes aussi très excités à l'idée de revoir ce terrain qui nous avait plu et, qui sait, se l'approprier ?

Ce post est rédigé le 18/02/24 par Pauline dans le camping-car pendant que Jasper est au téléphone avec sa maman.

1 comment: